À première vue, le dispositif du forfait jours a tout pour plaire aux employeurs qui souhaitent simplifier la gestion du temps de travail de leurs salariés dits « autonomes ».
Cependant, la complexité de ce système et surtout des obligations qui en découlent laissent apparaître une modalité de décompte du temps de travail loin d’être facile à appréhender.
Les contentieux explosent en la matière et les condamnations sont de plus en plus lourdes
Pour rappel, la convention de forfait jours n’est pas basée sur un nombre d’heures de travail, mais sur le nombre de jours travaillés sur l’année. Les salariés soumis à ce type de forfait sont rémunérés sur la base d’un nombre annuel de jours de travail (218 jours).
Quels salariés peuvent conclure un forfait jours ?
Peuvent conclure une convention de forfait annuel en jours :
- les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions les conduit à ne pas suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
- les salariés dont la durée de travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. En pratique, peuvent être concernés par ce forfait notamment les commerciaux itinérants ou les visiteurs médicaux qui organisent eux-mêmes leur emploi du temps.
Comment l’entreprise peut-elle mettre en place le forfait-jours ?
Deux conditions doivent légalement être réunies :
- un accord collectif d’entreprise ou d’établissement (à défaut, une convention ou un accord de branche, étendu ou non) autorisant le recours à ce type de forfait ;
- l’accord individuel de chaque salarié concerné matérialisé par écrit.
Quel est le nombre maximal de jours susceptibles d’être travaillés dans le cadre du forfait annuel en jours ?
Le nombre de jours travaillés posés par l’accord ne peut pas, en principe, dépasser 218 jours.
Le plafond de 218 jours peut être dépassé sur simple accord entre le salarié et l’employeur. À défaut d’accord, le plafond maximal est de 235 jours.
Comment calculer le nombre de RTT auquel peut prétendre un salarié en forfait jours ?
Pour calculer le nombre de jours de RTT chaque année, la formule de calcul à appliquer est la suivante :
Nombre de jours dans l’année – plafond maximal du forfait jours de la convention collective – nombre de jours de repos hebdomadaires – jours de congés payés – nombre de jours fériés (tombant un jour ouvré).
Ce qui donne 9 RTT pour 2024 (sauf stipulations conventionnelles contraires).
Quelle est la situation des salariés en forfait jours au regard de la durée du travail ?
Les caractéristiques de ce forfait sont les suivantes :
- le salarié n’est pas concerné par les 35 heures, les heures supplémentaires, le contingent annuel et la contrepartie obligatoire en repos ;
- les limites maximales journalières (10 heures) ou hebdomadaires (48 heures) ne lui sont pas applicables ; ces salariés peuvent donc, en toute légalité, effectuer jusqu’à 78 heures par semaine (soit 13 heures de travail pendant six jours) ;
- le salarié ayant un forfait en jours inférieur à celui des autres ne peut juridiquement être considéré comme travaillant à temps partiel.
S’appliquent en revanche :
- l’obligation de donner un repos quotidien minimum (11 heures) et un repos hebdomadaire (24 heures + 11 heures de repos quotidien) ;
- le bénéfice de la réglementation des jours fériés et des congés payés ;
- l’obligation d’effectuer la journée de solidarité ;
- et le droit de bénéficier de l’allocation et de l’indemnité d’activité partielle, mais uniquement en cas de fermeture totale de l’établissement ou d’une partie de l’établissement dont ils relèvent.
Quelle est la rémunération du salarié en forfait jours ?
Le salarié doit percevoir une rémunération en rapport avec les sujétions qui lui sont imposées ; si tel n’est pas le cas, il peut saisir le tribunal afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi. Le juge se prononce en tenant compte du niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise et de la qualification du salarié.
Par ailleurs, en présence d’une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s’effectuer au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente. Lorsqu’il a été rémunéré sur la base du nombre d’heures stipulé dans une convention de forfait en heures reconnue irrégulière, si le salarié ne peut prétendre entre la 35e et la dernière heure de ce forfait, au paiement du salaire de base une deuxième fois, il peut prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre. Le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires (prescription triennale).
La majoration pour heures supplémentaires à régler en cas de forfait invalidé porte sur le salaire de base réel du salarié : l’employeur n’est pas fondé à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel.
À noter également que lorsque le juge déclare qu’une convention de forfait est privée d’effet, le salarié concerné peut être sommé de rembourser des sommes indues, par exemple au titre de jours de RTT précédemment accordés, mais qui n’avaient plus lieu d’être.
L’employeur doit-il surveiller la charge de travail des salariés en forfaits jours ?
L’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail et doit organiser au minimum un entretien légal annuel sur ce thème.
En cas de manquement, il peut être condamné à verser un rappel d’heures supplémentaires, la convention de forfait jours étant alors privée d’effet faute pour l’employeur d’avoir pris des mesures effectives pour remédier à la surcharge de travail signalée par le salarié.
À cet égard, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours. S’il n’est pas établi par l’employeur que, dans le cadre de l’exécution de la convention de forfait en jours, le salarié a été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l’amplitude de son temps de travail, la convention de forfait en jours est sans effet, et le salarié est en droit de solliciter le règlement de ses heures supplémentaires, plus précisément aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale.
Il en est de même si l’employeur s’abstient de procéder aux entretiens sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle du salarié prévus par l’accord collectif applicable : il s’agit d’un manquement de l’employeur à ses obligations légales et conventionnelles pour s’assurer, de façon effective et concrète, du temps de travail effectué par le salarié. La convention de forfait en jours du salarié concerné sera alors privée d’effet.
Quels sont les documents à établir et conserver pour les salariés en forfait jours ?
Chaque année, l’entreprise doit établir un récapitulatif du nombre de jours ou demi-journées travaillés par chaque salarié. Elle doit, pendant trois ans, tenir à la disposition de l’inspecteur du travail, les documents existants dans l’entreprise permettant de comptabiliser le nombre de jours travaillés par chaque salarié. À défaut, l’employeur s’expose à une amende de 4e classe (750 € maximum) par salarié concerné par cette infraction.
À noter que le bulletin de salaire doit indiquer la nature (forfait jours) et le volume du forfait.
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