Dans une étude baptisée « Prospective vigne et vins 2040-2045 », les experts de FranceAgriMer et l’Institut Agro de Montpellier ont tenté de dessiner l’avenir de la filière viticole. Quatre scénarios ont été échafaudés
Depuis quelques années, le secteur de la viticulture est malmené. L’évolution des habitudes de consommation, la montée en gamme des concurrents étrangers, les changements climatiques à l’œuvre et le durcissement de la politique agricole commune ont nui au fonctionnement de nombreuses exploitations qui n’avaient pas imaginé ces bouleversements et donc ne s’y étaient pas préparées. Aujourd’hui, alors que ces changements sont toujours d’actualité et que d’autres se profilent déjà à l’horizon, la cellule « Étude et prospective » de FranceAgriMer, aidée par l’Institut Agro de Montpellier, vient de publier un rapport baptisé « Prospective vigne et vins 2040-2045 » qui, sans avoir pour ambition de prédire l’avenir, bâtit un certain nombre d’hypothèses destinées à nourrir « les réflexions des responsables de la filière vignes et vins et de son environnement » et à les aider à élaborer des stratégies.
De 348 hypothèses à 4 scénarios
Afin d’élaborer les différents scénarios possibles, les auteurs de l’étude se sont basés sur un grand nombre d’hypothèses. Certaines, imaginées en 2003 à l’occasion de la rédaction de la précédente étude prospective, et validées par le temps, ont été conservées ; d’autres ont été échafaudées lors de la préparation de la dernière étude. En tout, 348 hypothèses ont été sélectionnées dans 19 catégories différentes (distribution, environnement, contraintes de production, changement climatique, gouvernance mondiale…). À partir de ces hypothèses, 4 scénarios ont été construits.
Le premier scénario, intitulé « Filière nomade pilotée par l’aval », décrit un monde où la viticulture, ne pouvant faire face aux impacts des changements climatiques dans ses territoires anciens, voit sa production et sa consommation « fondées sur les valeurs culturelles occidentales d’usage et notamment les indications géographiques s’effacer petit à petit ». Dans ce scénario, les investisseurs se détournent des marchés historiques pour soutenir des productions « à base de raisin », installés dans des zones devenues plus propices et adaptées aux demandes internationales.
Le deuxième scénario, « Production innovante et vertueuse pour des vins d’exportation », nous plonge dans une société où le libéralisme laisse la place à un marché plus encadré qui exclut « toute activité d’assembleur international de vins de diverses origines » et qui promeut une meilleure prise en compte des demandes sociétales (traçabilité accrue, encore moins de résidus, canaux de distribution plus courts et acteurs spécialisés dans le e-commerce prenant des parts de marché aux circuits physiques). Dans ce scénario, « le vin se limite à n’être qu’un produit culturel de qualité de vie dont la consommation diminue en France. La viabilité économique de la filière est dépendante de l’export ».
Le troisième scénario, « Filière performante et vin plaisir », nous dépeint « un contexte économique difficile et, en dépit d’un fond d’image sanitaire du vin dégradé qui repositionne le vin dans une sphère incluant des drogues douces licites, la filière reconquiert son marché intérieur grâce à la recherche publique en génétique viticole – bien soutenue par la profession ». La filière propose des vins compétitifs et débarrassés des « attributs négatifs environnementaux par les innovations variétales ». En revanche, les tensions entre rurbains et viticulteurs persistent et les « producteurs cherchent à compenser l’absence de développement de la consommation en diversifiant leurs sources de revenus grâce aux coproduits ».
Enfin, le quatrième scénario, « Marché national privilégié autour de filières régionales coordonnées », décrit une filière viti-vinicole française qui concentre ses débouchés sur le territoire national et se structure autour d’un axe liant les producteurs de vins à Indication Géographique (IG), le négoce de place et une grande distribution rénovée utilisant la digitalisation pour devenir un lieu d’accès au conseil. « Ces IG se combinent également avec de nouveaux signes de qualité à ancrage environnemental et social permis par l’essor des techniques de communication électroniques. Pour ce faire, certaines biotechnologies sont acceptées du bout des lèvres afin d’obtenir rapidement des variétés résistantes tant aux maladies qu’aux aléas abiotiques et ainsi tenir à distance les effets du changement climatique, mais aussi viser à respecter une attente sociétale majeure ».
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