Pour juger du caractère exagéré des primes versées sur un contrat d’assurance-vie, les juges doivent se fonder sur un certain nombre de critères…
Les conditions de souscription d’une assurance-vie autorisent l’épargnant à verser des primes dont le montant est totalement libre. Et rien a priori ne lui interdit de détenir une partie importante de son patrimoine au sein d’un tel contrat pour en faire « profiter », au moment de son décès, un ou plusieurs bénéficiaires désignés parmi les héritiers eux-mêmes ou une personne extérieure à la famille. En revanche, le contrat d’assurance-vie ne doit pas être un moyen pour empêcher les héritiers réservataires de percevoir, au moment du décès de l’épargnant, leur part de réserve. Si tel était le cas, la loi protège ces derniers en leur ouvrant une action judiciaire spécifique basée sur la notion de primes manifestement exagérées. Ce recours ayant comme finalité de remettre en cause la transmission du capital au(x) bénéficiaire(s) de l’assurance-vie et de réintégrer, au sein de la succession du défunt, soit la partie excessive, soit la totalité des primes versées. L’utilisation de cette action judiciaire a fait l’objet d’un récent contentieux.
Dans cette affaire, deux époux étaient décédés respectivement les 1er mars 2010 et 21 avril 2013, en laissant pour leur succéder leurs deux enfants. Un contrat d’assurance-vie avait été souscrit par la mère au bénéfice de sa fille. Au décès de la mère, le frère avait demandé notamment le rapport à la succession des sommes versées sur cette assurance-vie au titre des primes manifestement exagérées.
Saisie du litige, la cour d’appel avait condamné la sœur à rapporter à la succession l’intégralité du capital versé. Pour justifier leur position, les juges avaient souligné que, au moment de la souscription du contrat, la mère n’avait pas de revenus propres et n’était pas assujettie à l’impôt sur le revenu. L’utilité d’un tel contrat n’était donc pas démontrée.
Une argumentation qui n’a pas convaincu les juges de la Cour de cassation. Ces derniers ont estimé que la cour d’appel n’avait pas évalué la situation en tenant compte du patrimoine global des époux (immobilier et comptes d’épargne). Ce patrimoine étant, à leurs yeux, de nature à établir que le montant des primes versées n’était pas manifestement exagéré. En outre, les juges ont rappelé que le caractère manifestement exagéré des primes s’apprécie au moment de leur versement et au regard de différents critères comme l’âge, la situation patrimoniale et familiale du souscripteur et l’utilité du contrat pour ce dernier. Appréciation à laquelle la cour d’appel n’avait pas procédé.
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